Ce matin, une aube nouvelle

La mobilisation aura été moyenne le long de la journée mais porteuse d’une grande espérance. Le pouvoir Talon nous a longtemps dégoûtés des élections, il faudra nous accorder le temps de notre rééducation. Mais déjà un premier fait indéniable : contrairement aux atmosphères sinistres dans lesquelles les votes se déroulaient au Bénin sous Patrice Talon, il y a eu autour du scrutin législatif d’hier, un nuage d’ondes apaisantes. J’ai senti les électeurs que j’ai croisés, sereins et déterminés à en découdre. Ils en ont décousu dans le calme, avec leurs bourreaux qui, il y a quelques jours, les menaçaient encore de tout.

L’issue du vote ne faisait pas de doute dans mon esprit. Plus d’une fois, j’ai écrit que le pouvoir en place sera battu à toutes les élections pour peu qu’il accepte d’y affronter de vrais challengers et pas des adversaires fantoches qu’il aime se fabriquer. Il sait lui-même, depuis 6 ans, qu’il ne vaut plus grand-chose et que la seule manière pour lui de se maintenir et de perpétuer ses œuvres démoniaques à la tête du Bénin, c’est de fermer le jeu électoral, d’étouffer toute protestation dans la rue et de tuer au besoin. Il est donc le dernier surpris par les chiffres du vote. Il doit s’y être préparé depuis que, par inadvertance ou mauvais calculs, il a laissé s’installer une offre politique crédible en face de lui. Il connaît ce peuple. C’est le même qui l’a fait il y a 7 ans, contre lequel il s’est ensuite sauvagement retourné; ce peuple qui n’aime pas l’injustice, n’aime pas que le fort brime le faible, a horreur qu’on le prenne pour un troupeau de béotiens. Il connaît ce peuple et ce peuple n’ignore pas que ceux par qui il vient de le défaire largement ne sont pas des saints. Mais avant la qualité intrinsèque des hommes et femmes amenés à lui donner le change dans un parlement en passe de récupérer la plénitude de ses fonctions, il s’est d’abord agi pour le peuple de faire cesser la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d’un Chef de l’État qui se prend pour l’alpha et l’oméga, de ramener de l’équilibre dans l’exercice des pouvoirs en reprenant le contrôle de la poutre majeure de notre édifice démocratique. À ceux et celles par qui le peuple vient d’assommer le système de « la ruse et de la rage », point n’est besoin de rappeler ce à quoi les expose la violation du pacte qu’ils ont signé hier. C’est un serment qu’ils ont prêté devant les mânes des ancêtres, devant la mémoire des Béninois morts dans l’inhumanité de nos gouvernants et devant nos compatriotes persécutés. Soyez-en maudits si vous trahissez la cause, si vous vous écartez de la feuille de route et des missions établies, celles d’angoisser le Malin et de dénouer ses liens autour de notre destinée, sans oublier que tant qu’il y aura des processus électoraux transparents, le peuple sera toujours le juge central.

A-t-on le droit d’être aussi définitif que je le suis? Absolument, comme aux législatives de 2015 qui furent, avant hier, la dernière fois que les Béninois s’étaient sentis pleinement concernés par la désignation de leurs représentants au Parlement. Ils avaient voté et monté dans certaines contrées du pays, la garde autour des urnes jusqu’à leur destination finale. Huit ans plus tard, les mêmes scènes et les mêmes liesses. Alors, bien qu’il soit vrai que le régime dit de la rupture nous a habitués aux fraudes tant sur le terrain qu’au sein des Institutions impliquées dans l’organisation des processus électoraux, ne boudez pas votre plaisir retrouvé. Soyez heureux et assumez votre euphorie. C’est en refusant de suspendre votre joie et votre soulagement à la propension au tripatouillage du pouvoir Talon que vous indiquerez à la Commission Électorale ainsi qu’à la Cour Constitutionnelle qu’un nouveau vent s’est levé, qui peut très vite devenir un tourbillon emportant les tripatouilleurs. Le monde a vu ce qui a été accompli ce 8 janvier au Bénin.