Le diable est dans les détails
Un de mes collègues à l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin expliquait souvent que quand le mal inspire tes actes, tu y laisses toujours une faille. Après les législatives de 2019 sans bulletins nuls selon la Commission Électorale Nationale Autonome alors présidée par Emmanuel Tiando, c’est son successeur Sacca Lafia qui, quatre ans plus tard Sacca Lafia, frappe les résultats de la CENA de caducité et en décrète par conséquent l’inaccessibilité.
Oublions un instant Les Démocrates. Par concours de circonstances, j’ai publié des textes qui ont donné l’impression que je prends fait et cause pour ce parti d’opposition. Les Démocrates n’ont jamais été le cœur de mes préoccupations. Je n’entretiens aucune affinité de loin ou de près avec aucune chapelle politique. Tout ce pour quoi je milite et me fais si incisif depuis tant d’années, c’est la fiabilité des processus électoraux au Bénin et plus généralement la transparence dans la gouvernance politique du pays, car celle-ci conditionne la quiétude nécessaire à l’épanouissement du peuple béninois. Malheureusement, depuis 2019, nos élections sont souillées d’intrusions pernicieux, perpétrées ouvertement et systématiquement au détriment de ceux qui ne parlent pas le langage du pouvoir en place. Ce n’est parce que mes prises de position prêchent par ricochet pour l’opposition que je vais m’interdire de m’exprimer. Elles ont aussi prêché malgré moi, à un moment donné, pour ceux qui nous dirigent aujourd’hui. Alors, peu me chaut que quelques tintins viennent s’adresser à moi comme à un militant de l’opposition au lieu de s’intéresser au fond des indignations que j’émets ici.
Nous sommes de nombreux citoyens à avoir des doutes sur la sincérité des résultats provisoires des législatives du 8 janvier 2023 tels qu’ils ont été annoncés par la CENA. La délibération de la Cour Constitutionnelle ne nous a pas ôté de ces doutes. Il était donc normal que les recours de l’opposition déposés auprès de la haute juridiction suscitent notre intérêt. Nous voulions dissiper nos doutes et lesdits recours nous en donnaient l’occasion. À la fin, le flou s’est épaissi ou du moins, nous y voyons désormais très clair.
L’un des recours de l’opposition a été formulé contre la Commission Électorale qui refusait de mettre ses procès-verbaux de compilation des résultats du scrutin par arrondissement à la disposition du parti Les Démocrates. Celui-ci en avait expressément fait la demande. Vaine initiative. Aucune loi n’oblige la CENA à accéder à la requête de l’opposition et en plus, l’opposition était censée avoir eu des représentants à chaque poste de vote et obtenu séance tenante les procès-verbaux qu’elle exige de la CENA. Voici en somme la réponse de la Cour Constitutionnelle par laquelle elle déboute les requérants. Elle s’est bien gardée de commenter dans l’acte de rejet du recours, le seul argument dont le président de la Commission Électorale s’est fait fort contre les opposants et que son représentant a répété devant la haute juridiction : << Dès lors que les résultats provisoires ont été transmis à la Cour Constitutionnelle qui, après en avoir délibéré, a proclamé les résultats définitifs, les résultats compilés au niveau de la CENA sont devenus caducs >>. On est stupéfait en lisant ceci. La caducité d’un document signerait irrémédiablement son inaccessibilité.
Si aucune loi n’oblige la Commission électorale à mettre ses procès-verbaux de compilation par arrondissement à la disposition de l’opposition, aucune loi ne les frappe de caducité après leur transmission à la Cour. Aucune loi non plus ne laissee la possibilité à la CENA de transmettre ses résultats à la Cour ni à celle-ci d’en délibérer. Mieux, le Code électoral prescrit que chaque institution impliquée dans l’organisation et la délibération des élections reçoit séparément un exemplaire des documents officiels de dépouillement. Le président de la Cour Constitutionnelle a eu la bonne (ou la mauvaise idée ?) de préciser, à l’examen du recours de l’opposition, que la Cour ne base pas sa proclamation sur les résultats de la CENA mais délibère à partir des documents qui lui ont été directement acheminés sous pli scellé depuis les bureaux de vote. De deux choses, l’une : soit Sacca Lafia a trahi un secret de laboratoire, soit il a affabulé. Dans un cas comme dans l’autre, il y a anguille sous roche.
Encore aujourd’hui, toutes les statistiques officielles disponibles concernant le scrutin législatif du 8 janvier sont des données globales. À supposer qu’une contestation porte sur un bureau de vote, il n’y a pas d’élément de comparaison qui permette de dire à la CENA ou à la Cour Constitutionnelle que ses chiffres ne correspondent pas à ceux du terrain puisqu’aucune des deux institutions n’a rendu public le détail des chiffres à son niveau, ne serait-ce que par le bon sens et pour la transparence; ne serait-ce que dans l’intérêt des citoyens. J’en ai entendu qui rétorquent que tout avait été affiché dans les bureaux de vote et que les citoyens n’avaient qu’à descendre lui-même faire le tour. Dieu ait pitié des toqués !
Deo Gratias KINDOHO